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Pourquoi je n’écoute plus de musique dans la rue ?

29 novembre 2020

J’aurais dû écrire cet article il y a des mois, mais je ne sais pas, les mots ne venaient pas et pourtant, j’en ai parlé…des dizaines de fois. Mais, les évènements récents ont fait que j’ai eu besoin d’enfin mettre mon récit par écrit.

On est Vendredi, le 29 Novembre 2019. Il est 13h30 et je m’apprête à partir pour une de mes visites guidée « Direction Poudlard », avec une famille qui a réservé via une plateforme partenaire. 

Je suis en avance, mais je préfère attendre qu’être attendue, alors je me mets en route. 

Le point de départ de la visite est à la station Monument, au bout du London Bridge. Comme d’habitude, je sors de la station London Bridge et pars en direction du pont, pour le traverser à pied et comme d’habitude, je le traverse par le trottoir Est. 

Je m’arrête pour faire une photo du Tower Bridge et l’envoyer à un copain avec qui je papotais sur Instagram, et je garde le téléphone à la main.

Aujourd’hui, va savoir pourquoi, alors que cela ne m’arrive jamais, je n’ai pas les écouteurs dans les oreilles. 

 

 

Curieusement, dans l’autre sens de circulation, le pont est congestionné. Je continue mon chemin et, passé le milieu du pont, je remarque des gyrophares de police, justement, de l’autre côté du pont. Certaines personnes ont l’air de regarder, d’autres commencent à courir dans ma direction.

J’aperçois un policier sur le trottoir et là, j’entends un énorme Boom. Les bruits sont fréquents dans cette grande ville alors, je pense qu’il s’agit d’un pétard et je continue à marcher dans leur direction. Mais au même moment, les gens se sont mis à crier et à courir en direction du Sud du pont. 

A l’endroit où se tenait le policier, il y avait un bus…il avait été vidé de ses passagers. Devant le bus, une Mini Cooper de la compagnie « Small Cars, Big City ». C’est marrant comme le cerveau enregistre certaines images. Devant le policier, un mec au sol. Je crois qu’à ce moment là, j’ai compris que le « boom » était un coup de feu.

Honnêtement, je n’ai pas su quoi faire…jusqu’à ce que j’entende quelqu’un hurler « Il a une ceinture d’explosifs ». Comme j’étais visiblement devant la scène, j’ai commencé à courir en direction du sud du pont. Des hélicoptères ont commencé à survoler le secteur et là, je me suis dit: « Ok, ça a l’air sérieux, je vais tout de suite laisser un message à maman car je suis persuadé qu’ils vont en parler aux informations et je dois la rassurer ». Comme j’avais mon téléphone à la main, depuis la photo du Tower Bridge, j’ai laissé un message audio à ma mère en lui disant que tout allait bien et pendant que je parlais, un autre coup de feu s’est fait entendre. 

Avec du recul, quand j’écoute ce message, j’ai l’air complètement à l’ouest…j’ai l’air de rire…je pense que j’étais comme dans un état second. 

Après cela, j’ai quitté le pont en courant, en suivant le flot. A ce moment là, tout le monde avait compris qu’il s’agissait d’un attentat. Mais je crois que nous avons tous pensé: combien sont-ils ? où sont-ils postés ? va t-il y avoir d’autres attaques ? et surtout, où se réfugier ? 

Une question m’obsédait à ce moment là: où sont mes clients ?? Sont-ils à l’abris ? Vont-ils bien ? 

Je suis descendue du pont et me suis réfugiée au bord de la Tamise. Là, j’ai tout de suite envoyé un message à Lara, l’une des guides avec qui je travaille et qui, au même moment allait commencer une visite vers Big Ben. Elle allait bien et n’était absolument pas au courant de ce qu’il se passait. 

De mon côté, impossible de joindre la famille que je devais accompagner en visite. Mon téléphone ne voulait pas passer d’appel international. J’ai donc laissé un message à une autre de mes guides pour qu’elle les contacte à ma place, mais sans succès. 

Alors que je laissais mon message, un coupe adorable s’est approché de moi en entendant que je parlais français. Ils venaient d’arriver à Londres et ne comprenaient pas ce qu’il se passait. Je leur ai expliqué, puis un policier est venu et nous a demandé d’évacuer le quartier. Nous sommes resté tous les trois ensembles et ils ont accepté de me prêter leur telephone pour que j’appelle mes visiteurs. Je suis tombé sur leur répondeur…quelle panique… je leur ai laissé plusieurs messages. 

 

J’ai ensuite contacté un ami qui travaille dans Borough Market, juste à côté. Il m’a raconté que ce qu’il était en train de vivre était surréaliste, que des gens se cachaient dans les WC ou sous les étals. L’attentat de 2017 est encore gravé dans les mémoires.

Impossible de prendre les transports, j’ai conseillé au couple de me suivre dans des axes moins principaux et nous éloigner des points « chauds ». C’est incroyable et fou comme le cerveau s’adapte aux situations. A l’intérieur, je devais être complètement retournée, mais je sentais que ces deux personnes étaient vraiment paniquées et du coup, j’ai senti que je pouvais les aider et donc, j’étais super calme. C’est curieux.

Allez savoir pourquoi, je leur ai proposé d’aller dans un pub. Là, nous avons pris une pinte et l’ambiance était bizarre. Alors que dehors les sirènes hurlaient et les hélico tournaient, le pub était comme dans une autre dimension. 

Après peut-être 1 ou 2h, nous nous sommes quittés.

Peu après, j’ai reçu un appel du partenaire par lequel ma famille de visiteurs avait réservé. Mon coeur s’est serré…

Et là, ils m’annoncent: « La famille *** a loupé son avion au départ de France et du coup, ils n’ont pas pu se présenter à la visite d’aujourd’hui ».

Je ne peux pas vous expliquer ce que j’ai ressenti à ce moment là. Je me suis appuyée contre le mur, à l’extérieur du pub, et j’ai pleuré. 

J’ai pris un bus et suis rentrée chez moi. Je crois que je n’ai pas réalisé tout de suite ce que je venais de vivre et j’ai passé la soirée à suivre les informations, voir les images et tenter de comprendre ce qui était arrivé. 

Les jours suivants, j’ai beaucoup pensé à une amie qui, le 13 Novembre 2015, était voisine du Bataclan. Elle avait écrit sur son mur Facebook, que voir les fleurs tous les jours, la replongeait dans cette nuit de cauchemar et n’aidait pas à se sortir de ça. Elle avait raison.

Chaque jour suivant, je suis passée sur ce même pont, j’ai revécu cette scène surréaliste, j’ai réentendu ces cris et ces « booms » et j’ai pensé à ces deux innocentes victimes.

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Je ne raconterai pas ici ce qu’il s’est passé. je n’en ai pas envie et les médias s’en sont chargés. Je souhaite par contre rendre hommage à Jack Merritt et Saskia Jones.

Même si, j’en suis consciente, il ne m’est rien arrivée, je n’ai pas pu m’empêcher de penser « et si… ». De nombreux « et si » ont envahit ma tête pendant plusieurs jours. 

Les bruits de pétard me font sursauter et les mouvements de foule m’inquiètent un peu. J’ai besoin d’être consciente de ce qui m’entoure, d’être alerte… du coup, je n’écoute plus de musique dans les lieux publics. 

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